Au moment où s’achève la première session ordinaire de la présente année, cette question interpelle l’ensemble de l’appareil judiciaire pour faire le saut qualificatif.
La première session criminelle ordinaire de l’année 2024 s’est donc achevée vendredi dernier, avec la condamnation du Gabonais Anatole Bekale Obiang à 30 ans de réclusion dont 5 assortis du sursis. Et comme il a déjà passé 7 ans derrière les barreaux, pour un meurtre commis en 2017 sur l’amant de sa compagne, il lui en reste encore 18 années.
Mais au-delà de cette affaire qui fait l’objet de multiples et divers commentaires, un enjeu important est ressorti au cours de cette session. Il est lié notamment à la surpopulation carcérale, particulièrement au niveau de la prison centrale de Libreville.
A l’analyse des choses, il va sans dire que cette situation pose au Gabon un problème à la fois intérieur et diplomatique. Concernant la première observation, nul n’ignore que le pénitencier de la capitale gabonaise a été construit pour recevoir un nombre limité de personnes en situation de détention préventive ou définitive.
En fait, il est prévu pour ne recevoir que 300 prisonniers. Aujourd’hui, il est en total dépassement des effectifs, avec une population carcérale estimée à plus de 4000 détenus.
Sur la question diplomatique, nous avons souvenance de la visite au Gabon, courant mars 2024, du Sous-comité des Nations unies pour la prévention de la torture et des traitements inhumains. Dans son rapport, après avoir vu les effectifs de la prison centrale et surtout les prévisions, cet organe international spécialisé a conclu que «le Gabon ne respecte pas les droits humains. Pire, le Gabon opère des traitements inhumains au sein de ses maisons d’arrêt, notamment celle de Libreville».
Pour ainsi dire, le Sous-comité de l’ONU pour la prévention de la torture s’était dit préoccupé par les « conditions de détention déplorables » dans les lieux de privation de liberté au Gabon. Exhortant le pays à «s’attaquer de toute urgence à la surpopulation carcérale et aux horribles conditions dans les prisons et les lieux de garde à vue.
Il est donc acquis, pour ce qui est spécifiquement des maisons d’arrêt, que les conditions de détention ne sont pas digne d’un pays comme le Gabon qui compte entre 5400 et 5700 prisonniers à travers le pays, avec 70% de ces détenus à la prison centrale de Libreville (PCL). La principale cause de cette surpopulation est le recours systématique à la détention provisoire et sa durée excessivement longue.
Les droits fondamentaux des personnes présumées innocentes sont ainsi bafoués, notamment par la lenteur de la justice. Le président de la Transition, le général Brice Clotaire Oligui Nguema s’en est d’ailleurs déjà préoccupé publiquement.
A tout considérer, cette indignation du chef de l’Etat constitue une interpellation de l’ensemble de l’appareil judiciaire du Gabon. Un appel à faire le saut qualitatif. C’est sans doute pour cela qu’il y a eu autant de dossiers jugés au cours de cette session criminelle ordinaire. En considérant que ceux qui sont en prison, sont aussi citoyens.