La Cour criminelle spécialisée est entrée, lundi 17 novembre 2025, dans une phase décisive du procès opposant l’État gabonais à Sylvia Bongo Ondimba et de son fils Noureddin. Après plusieurs jours d’audience, le procureur général près la Cour criminelle spécialisée, le Dr Eddy Minang, a prononcé un réquisitoire d’une rare intensité, long de 2 heures et 43 minutes, au cours duquel il a demandé des peines particulièrement sévères à l’encontre des accusés.
20 ans requis contre Sylvia et Nourredin Bongo
Absents, Sylvia et Nourredin Bongo ont été condamnés par contumace à 20 ans de réclusion criminelle. Le ministère public les accuse d’avoir joué un rôle central dans un vaste système de détournements, de blanchiment, de concussion et de corruption, portant sur un préjudice estimé à plus de 4 000 milliards de francs CFA.
Ian Ghislain Ngoulou, le « Fouquet moderne du Gabon »
La situation du principal prévenu présent à la barre, Ian Ghislain Ngoulou, attire désormais tous les regards. Ancien bras droit de Noureddin Bongo et considéré comme l’architecte du réseau baptisé Young Team, il est décrit comme le personnage clé du mécanisme de « captation systématique » des ressources publiques.
Le procureur général n’a pas hésité à recourir à une comparaison historique forte : « Ian Ghislain Ngoulou est le Fouquet moderne du Gabon. Comme Fouquet, il n’était pas le chef, mais il contrôlait la richesse du chef », a-t-il déclaré, évoquant Nicolas Fouquet, célèbre surintendant des finances de Louis XIV accusé d’avoir dépouillé le Trésor royal. Poursuivant son analogie, Dr Minang a insisté : « Fouquet n’avait pas besoin de la couronne ; il avait les clés du trésor. Il n’avait pas besoin d’un sceptre ; il avait le pouvoir des signatures, des flux, des décisions secrètes. »
Le parquet a requis contre lui 15 ans de réclusion criminelle, assortis de la confiscation totale de ses biens et comptes bancaires « remplis de plusieurs milliards », selon les mots du procureur.
Des réquisitions graduées pour les autres coaccusés
Plusieurs autres personnalités, impliquées à divers niveaux dans le dossier, ont également fait l’objet de réquisitions sévères : Saliou Mohamed Ali, ancien directeur de cabinet adjoint d’Ali Bongo : 10 ans de réclusion criminelle et 75 millions de FCFA d’amende; Abdoul Oceni Ossa, son frère : 10 ans de réclusion criminelle et 75 millions de FCFA d’amende; Jessye Ella Ekogha, ancien porte-parole de la présidence : 5 ans de réclusion criminelle et 25 millions de FCFA d’amende; Kim Oum : 4 ans de prison ferme; Gabin Otha Doumba : 3 ans d’emprisonnement; jordan Camuset : 3 ans de prison avec sursis et enfin, Cyriaque Mvouradjami : 2 ans de réclusion criminelle, déjà purgés puisqu’il a passé 25 mois à la prison centrale de Libreville.
Deux relaxes demandées
Dans ce volet dense du dossier, le ministère public a recommandé la relaxe pure et simple de Gisèle Mombo et Steve Nzegho Dieko, estimant que les éléments du dossier ne suffisent pas à établir leur responsabilité pénale.
Un verdict attendu après la plaidoirie de la défense
Après ces réquisitions particulièrement lourdes, la parole revient à la défense, qui devra répondre point par point avant que la Cour ne rende son verdict. Les prochaines heures s’annoncent cruciales pour l’ensemble des prévenus, tant la sévérité des réquisitions laisse présager une décision judiciaire aux conséquences majeures. Le pays retient son souffle, dans une affaire qui continue de dévoiler l’ampleur d’un système financier opaque ayant marqué les dernières années du régime déchu.

