Aussi bien à Libreville qu’à l’intérieur du pays, pas un pas sans croiser une personne atteinte de troubles psychiatriques dans la rue. Le phénomène devrait interpeller les pouvoirs publics, et même les familles de ces êtres humains qui méritent aussi la considération de leur dignité.
En attendant peut-être une hypothétique réponse des autorités compétentes, le phénomène des malades mentaux en errance continue à prendre de l’ampleur. De 3430 fous en 2020, le Centre national de santé mentale (CNSM) de Melen en a recensé 4145 deux ans plus tard.
Si la ville de Libreville compte un plus grand nombre de personnes atteintes de troubles mentaux en divagation, probablement parce qu’elle accueille plus de la moitié de la population gabonaise, le spectacle désolant est crescendo à l’intérieur du pays. Il suffit de faire un tour dans les villes comme Lambaréné, Port-Gentil, Mouila, Tchibanga et Franceville pour faire ce constat alarmant et dévalorisant.
La situation est d’autant plus préoccupante que le Gabon ne dispose que d’un seul asile pour ces personnes. Il se trouve dans la capitale, bien qu’il ne fonctionne pas aussi de façon optimale. De plus, ces êtres humains méritant aussi la considération de leur dignité constituent, pour certains, un réel danger pour la société. Nul besoin de rappeler des actes d’agressions dont ont été coupables des fous. Certains s’étant même soldés par des drames.
Plusieurs spécialistes de la question imputent la hausse continue du nombre de malades mentaux à la précarité de plus en plus grande au Gabon. « Cela peut en effet déclencher des problèmes en lien avec la santé mentale, et donc l’errance. De l’autre côté, il y a le phénomène de forte consommation des stupéfiants. Ce sont des détonateurs du système nerveux central, des substances psychoactives capables de perturber le fonctionnement psychique de la personne. Ce qui conduit malheureusement au développement de la maladie mentale », indique le Dr Mexant Rodrigue Sesset Lossa, psychologue.
Evoquant également l’absence prolongée des psychotropes sur le marché national. Ceci se traduit généralement par une attitude incomprise des parents qui ne peuvent pas garder un malade mental violent à la maison, préférant le laisser en errance.
Les causes étant connues, il reste maintenant à agir pour changer cette situation qui n’honore pas le Gabon. Une des solutions, et vraisemblablement la plus viable, est de disposer d’un grand centre national d’une capacité d’au moins 500 malades dans le Grand Libreville, selon le Dr Sesset Lossa.
Aussi, suggère-t-il, pour l’intérieur du pays, de rendre effectives les antennes psychiatriques. L’on pourrait par exemple commencer par cinq. Non sans penser à la conscientisation des familles des personnes malades pour qu’elles participent à la prise en charge, à la mobilisation de moyens financiers conséquents, à la formation d’un plus grand nombre de personnels soignants qualifiés et à rendre plus accessibles les médicaments. L’État devrait en outre revoir le fonctionnement actuel du Centre national de santé mentale et sortir cette institution de l’asile psychiatrique.