Crise au barreau du Gabon : entre enlisement et respect de la légalité

Après la réunion de samedi dernier qui a vu le groupe de Me Lubin Ntoutoume le désigner en catimini en qualité de bâtonnier intérimaire, les « avocats légalistes » se sont retrouvés à leur tour, hier, pour choisir Me Jean Paul Moumbembé comme bâtonnier ad hoc.

La loi 13/2014 du 7 janvier 2015 fixant le cadre d’exercice de la profession d’avocat en République gabonaise est pourtant claire dans ses dispositions. A l’exemple de son article 54 qui dispose que « l’assemblée générale se réunit sur convocation du bâtonnier ou des deux tiers des avocats ».

A tout considérer, cette condition vise à susciter l’unanimité des personnes concernées autour des décisions à prendre au cours de leur réunion. Ou du reste dans une large majorité qui ne pourrait être contestée par d’autres.

Malheureusement, une frange de ces professionnels du droit a encore passé outre les dispositions légales. Ce, en improvisant le samedi 4 novembre dernier, une assemblée générale (au lieu d’une réunion de concertation comme initialement annoncée aux membres) autour d’une cinquantaine d’avocats sur 146 et au sortir de laquelle Me Lubin Ntoutoume a été désigné bâtonnier intérimaire.

En réaction à cette attitude pour le moins malicieuse, les « avocats légalistes » ont dû se retrouver en urgence hier, lundi 6 novembre 2023, pour s’accorder sur une démarche à suivre. L’on retiendra que ces avocats ont choisi leur « bâtonnier ad hoc », en la personne de Me Jean Paul Moumbembé, un des doyens de la profession.

Considéré comme l’avocat des dossiers difficiles, ce dernier a ainsi pour mission de préparer et d’organiser la prochaine élection des membres du Conseil de l’Ordre et du bâtonnier. Attendue depuis sept mois, cette élection permettra de désigner le successeur, l’éphémère Me Raymond Obame Sima dont le vote en janvier 2023 a été annulé par le Conseil d’Etat le 20 avril de cette année, en raison de plusieurs irrégularités.

L’on se souvient en effet que Me Raymond Obame Sima avait été porté à la tête du bâtonnat du Gabon le vendredi 6 janvier 2023, à l’issue d’un scrutin organisé par Me Lubin Ntoutoume, le sortant dont il est proche et qui venait d’achever ses deux mandats. Il avait ainsi obtenu 68 voix contre 45 pour son principal challenger, Me Sandra Chambrier, et 10 voix pour Me Homa Moussavou.

Mais son règne ne sera que de courte durée (trois mois). Car, saisi par plusieurs doyens de la profession et après un débat contradictoire entre les parties, le Conseil d’Etat va annuler purement et simplement l’élection de Me Raymond Obame Sima en tant que bâtonnier, du fait de certains manquements à la loi.

En fait, ce dernier ne remplissant pas tous les critères d’éligibilité, le commissaire à la loi avait estimé qu’on ne peut pas être bâtonnier sans avoir prêté serment devant la Cour de cassation. Tout comme on ne peut pas représenter le barreau devant la Cour constitutionnelle, dès lors que vous n’avez pas atteint les 15 ans révolus au Grand tableau. Or, Me Obame Sima n’a fait que 10 ans.

Depuis cette décision de la haute juridiction, le Conseil de l’Ordre est sans membres et le barreau national sans bâtonnier. Alors que le Conseil d’Etat devait en désigner un bâtonnier intérimaire, il en a été empêché par la longue grève du Syndicat national des magistrats du Gabon (Synamag). Celle-ci ayant été suspendue, l’on espère que la juridiction précitée s’y attellera enfin pour mettre fin à cette crise que certains voient comme un conflit intergénérationnel.

Read Previous

Levée des couleurs : Oligui Nguema au complexe scolaire du Bas de Gué-Gué

Read Next

Barreau du Gabon : l’attitude malicieuse des jeunes, préjudiciable à l’organisation ?

Leave a Reply

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *