1 septembre 2025

Différend insulaire Gabon-Guinée Équatoriale : quid des enjeux autour des îles convoitées ?

Après des décennies de tensions diplomatiques et de médiations infructueuses, la Cour internationale de justice (CIJ) a rendu un arrêt historique, ce jeudi, attribuant la souveraineté des îles de Mbanié, Cocotiers et Conga à la Guinée équatoriale, mettant ainsi fin à un conflit territorial vieux de plus d’un siècle avec le Gabon.

Au cœur de ce différend : trois minuscules îlots, situés dans le golfe de Guinée, d’à peine un kilomètre de long, mais stratégiquement bien placés dans une zone potentiellement riche en hydrocarbures. Si leur superficie, 30 hectares pour Mbanié, paraît dérisoire, leur importance géopolitique et économique est loin d’être négligeable. Selon les estimations de S&P Global Commodity Insights, les projets pétroliers, situés à proximité, contiendraient jusqu’à 743 millions de barils de pétrole brut, un atout de taille pour deux pays dont l’économie repose en grande partie sur l’or noir.

Retour aux sources coloniales

La décision de la CIJ s’est fondée sur le traité franco-espagnol de 1900, signé à Paris, qui répartissait les possessions coloniales des deux puissances en Afrique de l’Ouest. La Guinée équatoriale, ancien territoire espagnol, s’est appuyée sur ce texte pour faire valoir ses droits sur les îlots. La CIJ a estimé que cette convention faisait foi et que les titres de propriété sur les îles avaient été transmis légalement de l’Espagne à la Guinée équatoriale lors de son indépendance en 1968.

À l’inverse, la Cour a rejeté les arguments du Gabon fondés sur la convention de Bata de 1974, conclue entre les deux États, en jugeant que ce texte ne constituait pas un traité international juridiquement contraignant.

Un conflit ravivé par le pétrole

Si le traité de 1900 avait été oublié pendant des décennies, l’intérêt pour les îles a ressurgi au début des années 2000 avec la découverte de gisements pétroliers dans leurs eaux. En 1972, le Gabon avait même pris le contrôle de Mbanié par la force, en y chassant l’armée équatoguinéenne et en y installant une garnison.

L’incapacité des deux pays à trouver un terrain d’entente, malgré les efforts de médiation des Nations unies, les a conduits à saisir ensemble la CIJ en 2016, afin de trancher définitivement la question.

Des conséquences diplomatiques et économiques majeures

L’arrêt définitif et contraignant oblige désormais le Gabon à retirer ses troupes de Mbanié et à reconnaître la souveraineté de la Guinée équatoriale sur l’ensemble des îlots contestés. Si certains États ignorent parfois les décisions de la CIJ, les observateurs espèrent que cette décision sera respectée, compte tenu de l’accord préalable entre les deux pays pour s’en remettre à la juridiction internationale.

Cette affaire rappelle d’autres précédents marquants sur le continent, notamment la résolution du différend entre le Nigeria et le Cameroun en 2002 à propos de la péninsule de Bakassi, également riche en pétrole, ou plus récemment l’accord de partage de production signé entre la RDC et l’Angola.

Vers une coopération régionale renforcée ?

Au-delà du contentieux bilatéral, cette décision pourrait avoir des effets d’entraînement en Afrique centrale, une région où les litiges frontaliers sont fréquents et souvent exacerbés par l’enjeu des ressources naturelles.

L’exemple donné par le Gabon et la Guinée équatoriale, celui d’un recours pacifique et juridique plutôt qu’au conflit armé, pourrait servir de modèle pour d’autres différends latents sur le continent.

Reste désormais à voir si cette décision marquera le début d’une ère de coopération énergétique entre les deux voisins, ou si les tensions persistantes autour du pétrole continueront d’alimenter les rivalités.

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