Rien sur l’économie et le social, tout faux sur la politique. Voici résumée la sortie de l’ancien Premier ministre ce jeudi matin, sur le rapport final du DNI. Il appelle les autorités de la Transition à revoir cette copie, au risque de se retrouver face à « une régression démocratique, et une dangereuse remise en cause du vivre-ensemble ».
22.808 caractères (espaces compris), pour 3685 mots. C’est ce qu’il a fallu à l’ancien Premier ministre Alain-Claude Bilie- By-Nze pour exprimer ce qu’il pense du rapport final du Dialogue National d’Angondjé. Un rapport qu’il assimile à «un appel intentionnel à l’exclusion et à une chasse aux sorcières», «loin de la volonté d’apaisement qui avait été annoncée devant la communauté internationale».
Morceaux choisis : «(…) Ces quelques 158 pages, écrites à la hâte, sont, à l’image du Dialogue National lui-même, préfabriquées et sans âme. Ceux qui avaient cru y voir l’occasion rêvée pour dessiner les contours d’un nouveau Gabon ne peuvent que constater avec amertume ce que beaucoup craignaient : le Gabon qu’on nous promet ressemble étrangement à celui d’hier, avec en sus une aigreur et un esprit vindicatif sournois (…) De ce dialogue, il n’est rien sorti d’important sur les plans économique et social. Les recommandations y relatives sont un catalogue de bonnes intentions, parfois des vœux pieux, des lieux communs, sans évaluation et donc impossible à réaliser. De surcroît, certaines des propositions formulées figurent déjà dans différents documents adoptés sous Omar Bongo Ondimba et sous Ali Bongo Ondimba. Il aurait simplement suffit d’ouvrir les cartons de passation des charges et d’y puiser à volonté en faisant gagner du temps et économiser de l’argent à l’Etat».
L’ancien chef du gouvernement va se montrer plus acerbe sur les conclusions politiques, taclant d’abord « le comeback de l’organisation des élections au ministère de l’Intérieur« . Une manière de «bâtir une nouvelle espérance en calquant le pire du système que l’on a combattu ou dénoncé», a-t-il dénoncé.
L’homme fustige ensuite les conditions d’éligibilité du président de la République, qu’il juge taillée pour le candidat du CTRI. «Une fois qu’on a exclu ceux qui ont 70 ans et plus, ceux qui ont un parent étranger, ceux qui sont mariés à une étrangère ou à un étranger, ceux qui ont été au PDG et ses alliés, qui reste-t-il ?», s’est-il interrogé.
Revenant sur la citoyenneté gabonaise, quelque peu remise en question par les nouvelles conditions d’accès au fauteuil présidentiel et à certains postes à responsabilité, Billie-By Nze appelle à ne pas «jouer avec le feu» : «Un pays peut décider de revoir les conditions d’attribution de la nationalité, cela ne pose aucun problème en soit, à condition de ne pas créer des droits différents. On est Gabonais au même titre que tous les autres. Qu’on le soit de père et de mère ou d’un seul parent, qu’on le soit par l’effet du mariage ou par toute autre disposition légale, l’effet juridique est le même (…) »
Et d’embrayer sur la suspension du PDG, quand il aurait fallu, trouve-t-il, soumettre ce parti et ses dirigeants à la sanction du peuple, qui se fait par la voie électorale. Rejet également de l’idée de regrouper les partis politiques en quatre blocs idéologiques, «au demeurant non identifiés». «On devinerait presque la patte des militaires dans ce dessein pour le moins inattendu, qui ferait du Gabon une exception mondiale, classant les partis dans des catégories comme on classe des troufions en fonction de leurs aptitudes physiques, intellectuelles pour les orienter vers telle ou telle arme ou régiment», a estimé l’ancien chef du gouvernement.
Enfin, il regrette que deux sujets «majeurs» n’aient pas été abordés durant ces assises d’Angondjé : le poids du cabinet présidentiel, et le rôle de la Cour Constitutionnelle. Voire, l’érection de la Commission Vérité, Justice et Réconciliation/Réparation, «seule voie de sortie de l’impasse politique qui pointe à l’horizon».