
Nommée en janvier 2025, Nadia Christelle Koye, directrice générale de la Caisse nationale d’assurance maladie et de garantie sociale (Cnamgs), à cœur ouvert, a, à travers une interview accordée à nos confrères du quotidien L’Union, fait un état des lieux de l’administration dont elle a la charge, des politiques sociales mises en place depuis sa prise de fonction et des défis à relever pour une meilleure couverture sociale des Gabonais sur l’ensemble du territoire national. Un entretien que notre rédaction a repris pour vous.
Madame la directrice générale, en début d’année le Sypharga a arrêté de livrer des médicaments aux assurés dans les pharmacies. Quelles sont, selon vous, les raisons de tels agissements ?
Merci de me donner l’opportunité de m’exprimer au nom de la Cnamgs et d’exposer les préoccupations ainsi que les défis que nous rencontrons à l’aube de la cinquième République. Une nouvelle ère où les services publics sont soumis à une obligation de résultat, notamment ceux investis d’une mission sociale comme la Cnamgs. Les problématiques auxquelles nous faisons face sont d’abord d’ordre structurel à l’origine de la situation conjoncturelle que nous ne souhaitons plus vivre dans la mesure où les Gabonais se sont vu priver d’un droit essentiel. Notamment la suspension temporaire de la fourniture des médicaments dans certaines officines pharmaceutiques. Une situation qui illustre les contraintes auxquelles est confrontée notre institution. Pour rappel, la Cnamgs constitue la vitrine de la politique sociale du président de la République, chef de l’Etat, chef du gouvernement, Brice Clotaire Oligui Nguema. Nous avons trouvé une situation préoccupante marquée par des dysfonctionnements en matière de gouvernance. Dès notre prise de fonction, nous avons initié plusieurs actions pour améliorer la gestion, la qualité des services et la transparence. Cela a induit une stratégie progressive du traitement de la dette, en fonction bien sûr des capacités de recouvrement de la caisse.
L’accès aux médicaments par les assurés Cnamgs est de plus en plus difficile. Une situation qui dérange beaucoup de malades assurés et qui ne manquent pas de manifester leur colère. Avez-vous un commentaire à faire à ce sujet ?
Les prestations offertes par la Cnamgs suivent une nomenclature conjointe arrêtée par le ministère de la Santé (dont relève les prescripteurs), les officines pharmaceutiques et la Cnamgs. Cette nomenclature est revue régulièrement lors des Journées dédiées à la liste du médicament. Certaines plaintes traduisent un besoin réel d’actualisation, car de nouvelles pathologies apparaissent, tandis que d’autres évoluent. En 2025, nous avons procédé à une mise à jour de la liste des médicaments pris en charge par la Cnamgs. Cette liste sera formellement communiquée aux assurés afin de clarifier les médicaments pris en charge et les modalités de prise en charge.
Un Code duplicata QR est exigé aux assurés dans certaines pharmacies. Cette nouvelle pratique fait-elle partie des accords signés entre votre institution et vos différents partenaires ? Et qui est le concepteur de cette nouvelle pratique ?
La délivrance du QR Code s’inscrit dans notre digitalisation des services. Si certaines pharmacies ont anticipé l’usage de ces codes, il convient de rappeler que les duplicatas avec QR Code, actuellement en circulation, n’annulent pas ceux précédemment délivrés, tant qu’ils ne sont pas désactivés sur notre réseau. Tous les documents émis par la Cnamgs restent valables. Nous avons entrepris une campagne de communication à cet état et cette situation de fait a été corrigée.
Comment comptez-vous remédier au phénomène de certaines pharmacies qui ont choisi de limiter la réception des assurés Cnamgs à des heures bien définies de la journée ?
Certaines officines limitent l’accès des assurés en dehors des heures de bureau. Ces pratiques ne sont pas conventionnelles. En vertu de leur contrat, les officines ont l’obligation de servir les assurés sans discrimination horaire. Nous comprenons que des tensions de trésorerie contraignantes générées par le retard de paiement de sa dette par la Cnamgs sont consécutives aux problèmes structurels de la caisse. Néanmoins, nous avons fait des efforts considérables pour apurer la dette. Ces efforts se poursuivent dans la mesure où la justice sociale étant inscrite au cœur des priorités du président de la République, ces restrictions sont donc les initiatives privées que nous entendons corriger dans le cadre d’une gouvernance vertueuse axée sur la sanctuarisation des dépenses techniques.
Les assurés Cnamgs, évacués à l’étranger, se voient parfois forcer de rentrer au pays sans avoir fini de suivre leur traitement. Une situation qui met de nombreux malades en colère, car ne comprenant pas une telle décision. Au vu de cette situation, pouvez-vous en dire un peu plus sur les raisons de ces rapatriements forcés ?
Les évacuations sanitaires sont autorisées sur la décision du directeur général, après avis de la Commission technique. Elles sont accordées pour une pathologie précise. Si le traitement nécessite une prolongation, elle est autorisée dans la limite du plafond réglementaire : 50 millions de francs CFA par patient et par an. A l’épreuve de nos investigations, il nous est apparu que des sommes colossales étaient dépensées pour des évacuations qui n’en justifiaient pas la nécessité. Les évacuations fictives ou pour des traitements injustifiés depuis des années, au détriment des Gabonais qui en présentaient l’urgence médicale. Nous avons dû prendre la décision de rapatrier trois assurés en France, présents depuis plusieurs années, car le plafond légal avait été largement dépassé. Cette décision n’est pas personnelle mais fondée sur la stricte application des textes. L’objectif est de garantir une justice sociale : permettre à tous les Gabonais d’accéder à une évacuation sanitaire dans le respect des règles établies.
Récemment vous avez mis en place la plateforme ‘’eCnamgs ‘’. Quel est le but de cette plateforme, comment l’utiliser et quelles sont les attentes par rapport à celle-ci ?
La plateforme eCnamgs vise à améliorer nos services. Les plus hautes autorités souhaitent un service efficient proche des usagers et porté vers des résultats optimaux. eCnamgs permet de réduire les files d’attentes qui pourraient être générées en raison du déficit en ressource humaines, des difficultés fonctionnelles. A travers ce mécanisme, des employeurs peuvent faire directement des déclarations via le site. Cela permet de faire des économies en termes de factures de nos prestataires techniques. C’est une grande avancée pour le fonctionnement de nos services qui s’inscrit dans la logique de digitalisation des services publiques prônée par le président de la République gabonaise.
Quelle résolution avez-vous prise concernant le fichier des gabonais économiquement faibles considéré comme inutilisable ?
Parmi nos assurés, 900 000 sont classés comme des Gabonais économiquement faibles. Cependant, aucun traitement rigoureux n’avait été effectué sur la véracité de ce statut. Un étudiant GEF, devenu salarié, peut rester inscrit comme tel, faute de mise à jour. Nous avons lancé une campagne d’actualisation sur notre base de donner. Cette démarche a déjà permis de transférer 5 000 personnes vers le Fond 1 (salariés du privé) ou le Fond 2 (fonctionnaire). L’actualisation du fichier des Gabonais économiquement faibles constitue un axe majeur de nos objectifs prioritaires.
Votre mot de fin ?
Nous voulons rappeler et rassurer les usagers que la Cnamgs s’est engagée dans une profonde réforme de sa gouvernance, de ses services et de sa responsabilité sociale. A travers une meilleure gestion, une digitalisation ambitieuse et une stricte application des textes, nous voulons bâtir une institution plus solide, plus juste, au service de tous les Gabonais.