Opération déguerpissement Plaine-Orety : la République met-elle ses enfants à la rue ?

Depuis quelques jours, des cris de détresse et de désolation sont entendus à travers le quartier Plaine Orety, précisément dans la zone dite de derrière l’Assemblée nationale. Pour cause, les habitants sont soumis à l’une des épreuves les plus difficiles de l’existence de tout homme. En effet, ces derniers ont vu leurs maisons être détruites, dans le cadre d’une vaste opération de déguerpissement lancée par les plus hautes autorités gabonaises, dans le cadre du projet de construction du « Boulevard de la Transition ». Conséquences de ce passage à la vitesse supérieure, des populations à la ‘’belle étoile’’. Au regard de cette situation alarmante, doit-on dire que la République met-elle, dans ces conditions-là, ses enfants à la rue ?

Le développement au prix de la cohésion sociale ?

Bien que le développement du pays passe par la prise d’initiatives fortes, le présent déguerpissement, initié par les plus hautes autorités de l’Etat, colle, à juste titre, à l’adage qui dit que l’on ne fait pas d’omelettes sans casser des œufs. Mais, il faut tout de même souligner que cela ne s’applique pas à toutes les réalités. Car, si l’on s’accorde à dire que le Gabon mérite des infrastructures modernes, qui cadrent avec les exigences contemporaines en matière de développement, à n’en point douter, le projet de construction du « Boulevard de la Transition » apparaît comme une vision futuriste.

Cependant, cet objectif ne devrait pas être atteint par la mise à la rue des filles et fils du Gabon, si l’on doit considérer le caractère protecteur de la « mère nation ». Aussi, si l’opération de déguisement entreprise jusque-là vise-t-elle principalement les personnes ayant reçu des indemnisations, comme l’affirment les autorités trouvées sur place, une autre réalité se dessine pourtant. Certains compatriotes impactés ont déclaré, quant à eux, n’avoir jamais reçu d’argent en guise de compensation. Des affirmations qui viennent donc semer le trouble dans une affaire qui l’était déjà.

Le manque d’humanisme ?

S’il est vrai que certains « sinistrés » se retrouvent dans la rue à cause de l’insouciance dont ils auraient fait preuve, car ayant déjà été indemnisés, et d’autres sont victimes de la cupidité des personnes qui ont revendu les terrains après avoir perçu l’argent de l’État. Nous avons, cependant, le devoir de prêter une oreille attentive aux cris de ces pères et mères de famille, devant les décombres de leurs habitations, qui pour beaucoup des investissements de toute une vie. Pour de nombreux Gabonais, c’est le « manque d’humanisme » qui remet en cause la nécessité pour l’État d’avoir choisi ce timing pour « chasser » les populations de leurs habitations, sans indemnisation, à en croire certains, et ce dans un délai annoncé de 48 heures officiellement, mais qui n’aurait pas été respecté.

« Nous n’avons pas été indemnisés, mais nous sommes traités comme si c’était le cas. Ce n’est pas normal. Je ne pense pas que ça soit ce Gabon là auquel nous aspirons tous », c’est avec ces mots que Clarisse, une mère de trois enfants, a témoigné, assise devant les ruines de sa maison, construite il y a plusieurs décennies.

‘’Insouciance’’ de l’État ?

Ce climat de confusion qui règne semble ne pas inquiéter les initiateurs de l’opération, au regard du silence assourdissant qui prévaut depuis le début des « hostilités ». Excepté, une sortie brève, hier soir, sur les antennes de la télévision d’État Gabon 1ère, de la porte-parole du Gouvernement, Laurence Ndong. Dans son intervention, la membre du gouvernement est revenu sur l’objectif de cette opération, qui ne concerne pas seulement la zone dite de derrière l’Assemblée nationale. Elle n’a pas manqué de réaffirmer l’engagement de l’État face aux personnes impactées.

Une sortie qui est aux antipodes de la réalité sur le terrain. Aujourd’hui, c’est avec les cœurs serrés que les familles se retrouvent à la belle étoile, avec des enfants qui ont vu leurs souvenirs s’évaporer dans la poussière des ruines de leurs habitations couchées les unes après les autres. Désormais, une grande incertitude plane sur plusieurs personnes, qui pour l’heure ont trouvé refuge le long du boulevard Triomphal, notamment, près des Ambassades de Russie, du Liban et de Chine.

L’heure de sauver la face

Désormais, les regards sont tournés vers les autorités compétentes qui ont l’occasion de changer la donne dans cet évènement, pour le moins triste, au risque d’acter définitivement ce sentiment d’abandon et de rejet qui naît au sein des populations, car ne trouvant plus d’espoir face à leur situation. La fragilisation du tissu social, dans un contexte de nouveau départ pour le pays, pourrait constituer un handicap dans la promotion d’un climat de confiance entre l’État et la population.

Aux dernières nouvelles, le ministre des Travaux Publics, Edgar Moukoumbi, a invité les personnes lésées à se manifester auprès de l’Agence Nationale de l’Urbanisme, des Travaux Topographiques et du Cadastre (ANUTTC). Un appel qui vient encore plus témoigner de ce que l’opération semble avoir été lancée à la va-vite, car ces personnes auraient déjà pu être identifiées en amont, notamment grâce à la mise en œuvre d’une véritable étude d’impact environnemental et social (EIES). Dans le cas échéant, le volet social devait faire l’objet d’un regard important.

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